181) Em vez de choque, o encontro de civilizacoes...
Pour Todd, pas de "choc" mais un "rendez-vous des civilisations"
Par Le Yéti - yetiblog.org - 19/09/2007
Le Rendez-vous des civilisations
Emmanuel Todd et Youssef Courbage
Paris: Le Seuil, 2007 / La République des idées
En 1976, alors âgé de 25 ans, il avait prédit la décomposition de l’Union soviétique ("La Chute finale"). On lui avait, avant qu'il ne s'en défende, attribué la paternité de la trouvaille "fracture sociale" en 1994, suite à une étude menée pour la Fondation Saint-Simon.
En 2002, il réglait le sort des Etats-Unis ("Après l’empire") et en 2006 il guerroyait contre les "candidats du vide" que réprésentaient à ses yeux Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. En cette rentrée, le démographe/anthropologue Emmanuel Todd, petit-fils de l'écrivain Paul Nizan, signe avec son comparse Youssef Courbage, également démographe, un essai qui tord le cou au fameux "choc des civilisations" si souvent annoncé. Et démontre que nous pourrions nous acheminer vers une convergence d'icelles. Avec quelques ratés cuisants à l'allumage, il est vrai.
Les auteurs établissent une corrélation entre deux facteurs essentiels du développement humain qui précèdent bien souvent les révolutions.
D'abord, l'alphabétisation, presque immanquablement accompagnée d'un reflux du religieux. Celle des hommes devance généralement celle des femmes, avec des laps de temps différents selon les communautés. Ensuite, la baisse du taux de fécondité, qui découle presque naturellement du phénomène d'alphabétisation, et précipite le déclin de religions natalistes par essence. Ces facteurs ne sont évidemment pas les seuls.
Nombre d'autres paramètres sont à considérer: le type d'organisation familiale, l'emprise du fait religieux, la pression démographique... Quant au décollage économique, sempiternellement mis en avant par nos sociétés occidentales pour expliquer les progrès de l'humanité, il est bien plus une conséquence de l'alphabétisation que sa cause principale.
Le phénomène touche toutes les sociétés humaines, et ce à des époques différentes. En France, la Révolution de 1789 ponctue le Siècle des Lumières, mais le taux de fécondité commence à baisser une vingtaine d'années avant les "évènements". En Russie, le taux d'alphabétisation des hommes franchit le seuil des 50% aux alentours de 1900, soit dix-sept ans avant la Révolution. Il faudra attendre 1942 pour atteindre un tel taux en Chine (victoire de l'Armée populaire de libération maoïste en 1949). En Iran, l'alphabétisation des hommes (au moins 50% des effectifs) intervient en 1964, celle des femmes en 1981, avec une chute de la fécondité dès 1985 (arrivée au pouvoir de Khomeyni en 1979).
On note que les révolutions ne sont pas uniquement libératoires! Les phénomènes de transition induits par la modernisation que constitue la hausse de l'alphabétisation, entraînent bien souvent des réactions de rejet par un corps social malmené dans ses traditions.
L'histoire de notre vieille Europe est jalonnée de violences, depuis la Réforme protestante jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Le communisme, "croyance de substitution", prospéra sur les décombres des croyances religieuses en Russie (foi orthodoxe) ou en Chine (bouddhisme). Dans les pays musulmans, la remise en cause de l'autorité du père, figure centrale et considérablement protectrice de la famille musulmane après Dieu, exacerbe et radicalise les tensions. "L'intégrisme n'est qu'un aspect transitoire de l'ébranlement de la croyance religieuse dont la fragilité nouvelle induit des comportements de réaffirmation", notent Courbage et Todd.
Ce besoin de réaffirmation religieuse frappe même ceux qui ont le plus de raisons d'être assaillis par le doute: les scientifiques, les savants, les philosophes... Descartes et Pascal en leur temps, l'ingénieur Ben Laden aujourd'hui.
On voudrait bien sûr penser que l'alphabétisation croissante des populations conduit inévitablement à une convergence heureuse, à terme, des civilisations. Le prétendu et inévitable "choc des civilisations" que d'aucuns mettent en avant tient surtout du leurre pour dissimuler l'impitoyable guerre économique, sur fond de maîtrise des ressources énergétiques, que se mènent le bloc occidental et les nations du Sud. Car c'est à ce niveau que le bât de l'optimisme blesse. Et un Kouchner peut, encore tout récemment, annoncer qu"il faut se préparer au pire", même à une "guerre" contre l'Iran, sans déclencher autre chose que quelques indignations isolées et fatiguées.
On ne peut faire fi de l'incroyable et hypnotique capacité auto-destructrice des sociétés humaines, de leur appétit insatiable et aveugle de pouvoir. De leur incapacité, aussi, à admettre leur humaine condition d'êtres éphémères et imparfaits, à vaincre leurs démons, à enrayer les engrenages des catastrophes qu'ils ont eux-mêmes provoquées.
Comment expliquer que, parvenus comme nous le sommes à un sommet inégalé de confort matériel et de modernité technique, le taux de suicide de nos si riches sociétés soit si élevé? Avec plus de 10000 morts en France, le suicide tue plus que les accidents de la route. Courbage et Todd citent le sociologue Émile Durkheim qui, dans "Le Suicide", pointait déjà la "propension des hommes à s'autodétruire, en attendant de s'entretuer à l'échelle continentale durant la Première Guerre mondiale".
Rendez-vous heureux ou malheureux? Ou entre les deux? Et quand? Nous le saurons sans doute très prochainement.
► Le Rendez-vous des civilisations d'Emmanuel Todd et Youssef - Le Seuil / La République des idées - 12,50 €
Par Le Yéti - yetiblog.org - 19/09/2007
Le Rendez-vous des civilisations
Emmanuel Todd et Youssef Courbage
Paris: Le Seuil, 2007 / La République des idées
En 1976, alors âgé de 25 ans, il avait prédit la décomposition de l’Union soviétique ("La Chute finale"). On lui avait, avant qu'il ne s'en défende, attribué la paternité de la trouvaille "fracture sociale" en 1994, suite à une étude menée pour la Fondation Saint-Simon.
En 2002, il réglait le sort des Etats-Unis ("Après l’empire") et en 2006 il guerroyait contre les "candidats du vide" que réprésentaient à ses yeux Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. En cette rentrée, le démographe/anthropologue Emmanuel Todd, petit-fils de l'écrivain Paul Nizan, signe avec son comparse Youssef Courbage, également démographe, un essai qui tord le cou au fameux "choc des civilisations" si souvent annoncé. Et démontre que nous pourrions nous acheminer vers une convergence d'icelles. Avec quelques ratés cuisants à l'allumage, il est vrai.
Les auteurs établissent une corrélation entre deux facteurs essentiels du développement humain qui précèdent bien souvent les révolutions.
D'abord, l'alphabétisation, presque immanquablement accompagnée d'un reflux du religieux. Celle des hommes devance généralement celle des femmes, avec des laps de temps différents selon les communautés. Ensuite, la baisse du taux de fécondité, qui découle presque naturellement du phénomène d'alphabétisation, et précipite le déclin de religions natalistes par essence. Ces facteurs ne sont évidemment pas les seuls.
Nombre d'autres paramètres sont à considérer: le type d'organisation familiale, l'emprise du fait religieux, la pression démographique... Quant au décollage économique, sempiternellement mis en avant par nos sociétés occidentales pour expliquer les progrès de l'humanité, il est bien plus une conséquence de l'alphabétisation que sa cause principale.
Le phénomène touche toutes les sociétés humaines, et ce à des époques différentes. En France, la Révolution de 1789 ponctue le Siècle des Lumières, mais le taux de fécondité commence à baisser une vingtaine d'années avant les "évènements". En Russie, le taux d'alphabétisation des hommes franchit le seuil des 50% aux alentours de 1900, soit dix-sept ans avant la Révolution. Il faudra attendre 1942 pour atteindre un tel taux en Chine (victoire de l'Armée populaire de libération maoïste en 1949). En Iran, l'alphabétisation des hommes (au moins 50% des effectifs) intervient en 1964, celle des femmes en 1981, avec une chute de la fécondité dès 1985 (arrivée au pouvoir de Khomeyni en 1979).
On note que les révolutions ne sont pas uniquement libératoires! Les phénomènes de transition induits par la modernisation que constitue la hausse de l'alphabétisation, entraînent bien souvent des réactions de rejet par un corps social malmené dans ses traditions.
L'histoire de notre vieille Europe est jalonnée de violences, depuis la Réforme protestante jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Le communisme, "croyance de substitution", prospéra sur les décombres des croyances religieuses en Russie (foi orthodoxe) ou en Chine (bouddhisme). Dans les pays musulmans, la remise en cause de l'autorité du père, figure centrale et considérablement protectrice de la famille musulmane après Dieu, exacerbe et radicalise les tensions. "L'intégrisme n'est qu'un aspect transitoire de l'ébranlement de la croyance religieuse dont la fragilité nouvelle induit des comportements de réaffirmation", notent Courbage et Todd.
Ce besoin de réaffirmation religieuse frappe même ceux qui ont le plus de raisons d'être assaillis par le doute: les scientifiques, les savants, les philosophes... Descartes et Pascal en leur temps, l'ingénieur Ben Laden aujourd'hui.
On voudrait bien sûr penser que l'alphabétisation croissante des populations conduit inévitablement à une convergence heureuse, à terme, des civilisations. Le prétendu et inévitable "choc des civilisations" que d'aucuns mettent en avant tient surtout du leurre pour dissimuler l'impitoyable guerre économique, sur fond de maîtrise des ressources énergétiques, que se mènent le bloc occidental et les nations du Sud. Car c'est à ce niveau que le bât de l'optimisme blesse. Et un Kouchner peut, encore tout récemment, annoncer qu"il faut se préparer au pire", même à une "guerre" contre l'Iran, sans déclencher autre chose que quelques indignations isolées et fatiguées.
On ne peut faire fi de l'incroyable et hypnotique capacité auto-destructrice des sociétés humaines, de leur appétit insatiable et aveugle de pouvoir. De leur incapacité, aussi, à admettre leur humaine condition d'êtres éphémères et imparfaits, à vaincre leurs démons, à enrayer les engrenages des catastrophes qu'ils ont eux-mêmes provoquées.
Comment expliquer que, parvenus comme nous le sommes à un sommet inégalé de confort matériel et de modernité technique, le taux de suicide de nos si riches sociétés soit si élevé? Avec plus de 10000 morts en France, le suicide tue plus que les accidents de la route. Courbage et Todd citent le sociologue Émile Durkheim qui, dans "Le Suicide", pointait déjà la "propension des hommes à s'autodétruire, en attendant de s'entretuer à l'échelle continentale durant la Première Guerre mondiale".
Rendez-vous heureux ou malheureux? Ou entre les deux? Et quand? Nous le saurons sans doute très prochainement.
► Le Rendez-vous des civilisations d'Emmanuel Todd et Youssef - Le Seuil / La République des idées - 12,50 €
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